Monsieur le Gouverneur,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Monsieur le Président du Conseil provincial,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Mesdames et Messieurs en vos titres, grades et très nombreuses qualités,

Bonsoir à toutes et à tous,

C’est un immense honneur et un réel plaisir de m’adresser à vous ce soir. Quel honneur aussi de pouvoir moi-même vous accueillir…. Chez le Gouverneur. Vous avouerez que c’est assez particulier. En général c’est l’hôte qui parle en premier. Mais Gilles m’a gentiment proposé de garder le meilleur pour la fin, et j’ai dit oui…

Depuis que Gilles Mahieu est Gouverneur nous nous sommes rendus notamment à Ittre, Waterloo, Wavre, Hélécine ou encore Perwez. C’est finalement la première fois que nous organisons les vœux ici, « comme avant », chez le Gouverneur, dans son Palais. A propos de « palais » Gilles, je me demande s’il ne faudrait pas revoir cette appellation un de ces 4, mais je suis certain qu’avec le dictionnaire de la modernité, tu auras certainement plus d’inspiration que moi sur ce sujet….

Ne pensez pas que Gilles soit devenu casanier, ni même qu’on se sente mieux chez lui, … Mais même si B-Post est défaillant (et aurait même oublié d’inviter nombre d’entre vous ce soir), et même si la 5G n’est pas encore tout à fait au point malgré que nous soyons à Wavre, Ville « Connectow », il ne vous aura certainement pas échappé que nous allons voter cette année. Il convenait donc de nous retrouver dans un lieu dit « neutre ». Alors en ce lieu, au moins aussi neutre que la Suisse, n’attendez pas de moi de discours partisan, ni bilan, ni programme. Voilà qui m’aura permis de rassurer un certain nombre d’amis dans la salle.

Je me suis donc longuement demandé ce dont je pourrais bien vous parler ce soir.

Ma fille, très créative, m’a proposé de faire un exposé sur les semelles compensées, particulièrement adaptées aux températures actuelles. Elle a ensuite eu l’idée du siècle, me promettant un succès interplanétaire : vous présenter mon chien !

Mais avouez que c’est difficile, parce qu’ici aussi, les chiens sont interdits… Alors puisqu’on n’amène pas son chien et que l’on ne parle pas de politique chez le Gouverneur, j’ai décidé de vous parler… des élections.

Car oui, nous voterons cette année. Nous voterons notamment aux Etats-Unis, au Portugal, en Indonésie, en Ouzbékistan, aux Comores, en Turquie, au Bhoutan, au Brésil, et en Brabant wallon. Difficile de vous citer tous les scrutins programmés dans le monde en 2024, mais nous voterons dans plus de 75 pays, et nous voterons tout de même 5 fois en Belgique, petit pays oblige….

2024, une année charnière donc, plus de 75 pays, des élections qui concerneront directement plus de 4 Milliards de citoyens à travers le monde, c’est du jamais vu, un exercice démocratique planétaire inédit.

Nul besoin de vous rappeler à quel point des élections peuvent influencer/chambouler/façonner nos modèles de société. Et l’élection de certains hurluberlus il y a à peine quelques semaines en Argentine ou chez nos voisins néerlandais nous rappelle avec une certaine violence que nous ne sommes pas à l’abri de dérives.

2024 sera-t-elle l’année de tous les dangers ? Elle pourrait aussi être, l’année de toutes les opportunités.

Les dangers sont aussi nombreux que réels. Ici comme ailleurs, les extrémistes et populistes de tous poils attisent nos peurs, font feu de tout bois, traquent des coupables, divisent la société, viennent réveiller ce qu’il y a de plus sombre dans la nature humaine, et font recette. On le sait, on le voit, et, de manière détestable, on s’y habitue.

Pourtant, ici ou là, de manière violente ou sournoise, des libertés reculent, des droits disparaissent. La liberté d’opinion, les droits des médias, la séparation des pouvoirs, le respect des minorités, le droit à l’avortement n’en sont que quelques exemples.

Nous assistons, ici ou là, à la régression de nos droits, ces droits soi-disant acquis, acquis difficilement par les générations qui nous ont précédés, parfois au péril de leur vie. L’immense paradoxe est que nous permettons, par un vote « démocratique », de piétiner nos droits les plus fondamentaux.

Pourtant la démocratie ne se résume pas à un processus électoral. Et une élection ne consiste pas à offrir les clés d’une société pour une période, même limitée. Elle consiste à confier aux élus la responsabilité de répondre aux aspirations de la société, et non le droit d’imposer leurs vues.

La démocratie est fragile, ici comme ailleurs. Comme le rappelait Kofi Annan, « La démocratie n’est pas simplement une question de lois, de constitution et de mécanismes électoraux, mais aussi de valeurs, de culture et d’éducation ».

La démocratie est un processus, une matière vivante, basée sur la participation, le civisme et la responsabilité individuelle des citoyens qui la composent.

Alors qu’est ce qui peut expliquer la montée des extrêmes ? Une volonté consciente des citoyens de mettre notre système démocratique par terre ? Les citoyens qui votent pour ces partis seraient-ils eux-mêmes extrémistes ? Je n’y crois pas une seule seconde, du moins pour la majorité d’entre eux.

Je ne vais pas m’aventurer sur de prétendues raisons objectives pour tenter d’expliquer la montée des extrêmes dans nos sociétés.

Mais en tant que démocrates, il convient d’être lucide pour constater un désamour profond de trop nombreux citoyens pour la politique.

C’est notre devoir de reconnaître qu’un certain nombre de citoyens ne se reconnaissent plus dans notre modèle de société, cèdent à la facilité, se laissent bercer par des simplismes.

Car la colère est plus simple que le dialogue. Car le rejet est plus simple que la rencontre. Car il est plus simple de dénoncer que de construire. Mais aussi car la politique « dite traditionnelle » n’a pas toujours montré le bon exemple ni été à la hauteur des exigences légitimes du citoyen.

Mesdames et Messieurs,

« L’heure est à l’optimisme. Gardons le pessimisme pour des jours meilleurs. »

Car si 2024 peut être l’année de tous les dangers, elle est certainement l’année de toutes les opportunités.

Nous sommes là pour échanger nos vœux, et je formule le souhait que 2024 contribue à réenchanter la politique et à lui redonner ses lettres de noblesse, en Belgique comme à l’étranger.

Il est permis d’espérer que les débats l’emportent sur les slogans.

Il est permis d’espérer nouer ou renouer un dialogue avec toutes les générations et pans de la société.

Il est permis d’espérer replacer le citoyen et ses attentes au cœur des enjeux politiques.

A nouveau, rien n’est simple. Mais si nous commencions par faire confiance au citoyen ? Le considérer, l’écouter, le respecter. Comment pourrions-nous espérer gagner sa confiance si nous ne lui accordons pas la nôtre ?

Dans un autre registre, il est permis d’espérer être à la hauteur – et non à la remorque – de la créativité, de la générosité, du génie de notre société civile et de nos entreprises. Notre société est en constante mutation. Les évolutions sont fulgurantes alors que nos institutions peinent souvent à suivre ce rythme effréné. Le risque est immense que l’écart se creuse entre deux mondes qui finissent par ne plus se comprendre, générant tensions et frustrations de part et d’autre.

Il est aussi permis d’espérer que les démocrates tiennent un discours-vérité, ne cèdent pas aux discours faciles, rasent gratis, disent oui à tout quand la responsabilité impose de dire que ce n’est pas possible. Les démocrates doivent assumer leurs différences, leurs nuances, leurs priorités, leurs choix, leurs décisions, ils doivent assumer leur projet de société.

Il est permis d’espérer que la jeune génération s’empare du débat politique dans une année si cruciale. A ce titre, savez-vous que plus de 250.000 Belges âgés entre 16 et 18 ans auront, pour la première fois le 9 juin, le droit de voter aux élections européennes ? Rappelons-nous notre responsabilité de les informer, les sensibiliser, les éveiller à ce droit fondamental qui – juste pour eux – ne sera pas encore une obligation.

Il est aussi permis d’espérer que journalistes et citoyens parviennent à mettre leurs élus sur le grill de leur action politique. Que les journalistes défendent leur liberté, et mesurent leur responsabilité d’informer et d’éveiller au sens critique.

Que les citoyens réalisent pleinement que leur droit de vote est intimement lié à leur devoir citoyen, à leur responsabilité citoyenne.

Il est aussi permis d’espérer que partout dans le monde, les valeurs d’inclusion l’emportent sur le rejet, la division, l’exclusion.

Enfin, il est permis d’espérer que les démocrates restent, comme le disait Jacques Chirac, « à portée de baffes », sur le même terrain que leurs électeurs, et non pas dans cette fameuse Tour d’Ivoire, que finalement personne ici ne connait.

Oui la barre est placée haute, à la hauteur des exigences et de l’élan que nous voulons pour nos sociétés.

S’il est permis d’espérer, c’est parce que je sais qu’en Brabant wallon, ces ingrédients font battre le cœur démocratique de notre territoire. Si rien n’est jamais parfait, nous sommes ici bien placés pour savoir qu’existe chez nous une chance immense, celle d’une très précieuse cohésion des forces vives de notre territoire, mobilisées pour leurs citoyens. Nous le constatons au quotidien, à la Province, dans nos 27 communes, tous partis politiques confondus, les femmes et hommes politiques sont passionnés, engagés, dévoués pour le bien commun, pour les citoyens, pour leur sécurité, pour leur qualité de vie, pour leur dignité, pour notre cohésion sociale.

Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour rappeler toute l’admiration que j’ai pour nos Bourgmestres et échevins, qui sont bien au quotidien « à portée de baffes » et méritent d’être soutenus tant leur travail est rendu complexe et parfois ingrat. Je remercie aussi les acteurs de terrain, les acteurs de la police, de la justice, nos pompiers ou ambulanciers, tous nos services publics. Mais aussi ceux que l’on appelle la société civile, les acteurs de la cohésion sociale, de la Culture, du sport, de la jeunesse.

Un bon ami rappelle souvent qu’une bonne idée n’a pas de couleur politique.

En Brabant wallon, c’est tellement vrai.

A ce titre, et parce qu’on est quand même en fin de législature, et que nous entamerons bientôt le plus bel exercice démocratique de tous les temps, je voudrais remercier, de tout cœur, mes collègues, Isabelle, Sophie, Marco, pour notre compagnonnage, notre collégialité, nos complémentarités. Cette législature nous aura fait traverser quelques solides tempêtes, et il a fallu s’accrocher. Nous avons pu compter les uns sur les autres, soudés par beaucoup de loyauté, de respect, d’humour, et d’amitié. Je vous en suis très reconnaissant.

Je voudrais également remercier notre Directrice Générale Annick Noël, et bien sûr à travers elle toute son administration. Annick, on peut également dire qu’on a subi des tempêtes, mais je veux te dire que je suis très fier du chemin parcouru par l’institution provinciale pour répondre aux enjeux que nous connaissons. Nous avons craint plusieurs fois devoir sortir parachutes, gilets de sauvetage et sorties de secours, il n’en est finalement rien et c’est grâce à ton intelligence, ton efficacité et celle de tes services.

Je remercie également Gilles Mahieu, notre Gouverneur, d’abord pour notre grande complicité et amitié, c’est un pur plaisir de travailler avec toi, mais aussi, au nom de tous ici, pour ton efficacité et ton engagement pour le territoire du Brabant wallon. Nous avons beaucoup de chance de t’avoir…

Enfin je voudrais remercier les membres du Conseil provincial, bien sûr son Président Louison Renault, les membres de la majorité, mais aussi les membres de la minorité et leurs chefs de groupe qui se sont montrés constants, travailleurs, investis, constructifs et toujours respectueux, malgré le rôle parfois ingrat qui est attribué à l’opposition.

Mesdames et Messieurs,

La démocratie n’est pas un projet simple. Elle est profondément complexe, elle est naturellement imparfaite. Elle a bien sûr ses travers, ses lenteurs, ses procédures… Mais elle nous offre tant d’humanité, que nous avons la responsabilité de nous battre pour la préserver, la chérir, la développer.

Si vous croisez quelqu’un qui banalise ce qu’il considère comme une évidence, demandez-lui s’il envisage de vivre dans un pays où on lui impose une religion, où les femmes ne sont pas traitées à l’égal des hommes, et où seuls certains enfants peuvent aller à l’école…

En cette année record d’élections à travers le monde, il est permis d’espérer que la démocratie sorte renforcée, le seul modèle qui respecte chaque individu pour ce qu’il est, pour ce qu’il vit, pour ce qu’il pense, pour ce qu’il veut, pour ce qu’il entreprend, mais aussi pour ce qu’il endure.

Le seul modèle qui garantisse les mêmes droits pour chacun. Le droit à l’éducation, le droit à la dignité, la liberté de croire ou de ne pas croire,… Le seul modèle qui permette un vivre-ensemble dans une société inclusive, dans le respect de nos différences et de nos aspirations.

Mesdames et Messieurs, chers amis,

Il me reste à vous souhaiter l’essentiel. L’essentiel c’est vous, votre santé, votre bien-être, vos aspirations, vos envies. Pour vous, pour ceux que vous aimez, au nom d’Isabelle, Sophie, Marco, Annick, nous vous souhaitons une année 2024 qui soit à la hauteur de vos espoirs, une année qui vous mène là où votre cœur vous guide. Nous vous souhaitons de la douceur, de la sérénité, de l’humour, ainsi qu’une année qui vous permette de vivre pleinement ce que nous offre l’existence.

A toutes et à tous, très belle année 2024 !